vendredi 12 octobre 2007

Onanisme

Deux Anglaises et le Continent, Henri Pierre Roché


Chapitre XIII : Confession de Muriel (p.218-22)


"J'avais huit ans. Une fillette, Clarisse, d'un an plus âgée, était la première de ma classe, et moi la seconde. Elle avait de jolies nattes rousses autour de la tête, des sourcils élevés et un air d'ange. On me la donnait comme exemple en tout. Sa famille vint passer en vacances une semaine chez nous. On manquait de lits. On la mit dans le très grand mien, qui a un ciel, à la place d'Anne qui était chez mon oncle.

Quand nous fûmes seules elle ôta sa longue chemise de nuit, la plia et la mit sous l'édredon, elle m'ôta la mienne, la plia et la mit avec la sienne. Elle rabattit le drap sur nous et me prit dans ses bras. J'étais toute dévotion pour elle. Ce fut une nuit de caresses de deux petites filles, l'une décidée, l'autre docile. Elle était comme une poupée en sucre rose. Elle m'apprit qu'il était agréable de toucher certaines parties du corps, une surtout. Nous le fîmes chaque nuit. Nous remettions nos chemises à l'aurore. Elle me persuada que c'était notre secret et qu'il ne fallait point en parler. Je ne pensais pas que c'était mal, son prestige pour moi s'était encore accru, et je lui avais de la reconnaissance. Quand elle partit, je continuai parfois, seule, en regrettant son absence.

Je n'ai pas de souvenirs spéciaux jusqu'à onze ans. C'était devenu alors une habitude à éclipses, et, sans savoir pourquoi, je commençai à lutter contre.
(...)
Vers dix-sept ans, je me rappelle un chaud dimanche, parmi les coquelicots, les papillons, sous le soleil, avec les alouettes ; étendue sur le dos dans un champ de blé mûr, en regardant le ciel bleu, je succombai soudain, largement, poussée par je ne sais quelle force. Alors ce fut une grande reprise. Je sanglotais de remords. Je poussais mon lit face aux étoiles pour qu'elles m'aident. Je portai un bracelet juré inviolable. Je mettais ma Bible à côté de ma main. J'eus des mois de victoire, et des défaites soudaines. Parfois je considérais la Chose comme un moyen pratique de m'endormir vite et de réchauffer mes pieds froids.
(...)
Une journée paresseuse, un soir sans prière, une fatigue excessive des muscles ou de l'esprit, prédisposent à pécher.
Le livre américain : Ce qu'une fille doit savoir, est bon. Si j'avais su que telle partie de mon corps fabriquerait un jour mes enfants j'aurais résisté à Clarisse.
J'ai cru longtemps que le sexe de la femme est interne et que tout ce qui est extérieur est sans rapport avec lui.
Si Mère n'avait pas mis Clarisse dans mon lit, j'aurais ignoré cela toutes ces années."



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