dimanche 13 avril 2008

mercredi 26 mars 2008

The Night You Can't Remember

"Le fait reste que, même pour les moins gourmets, les moins gourmands ou les moins goinfres, vivre ensemble c'est en partie manger ensemble. Monsieur et Madame de C. n'étaient pas bons partenaires à table."
("Souvenirs pieux", Marguerite Yourcenar)

jeudi 20 mars 2008

dimanche 16 mars 2008

Océan Noir

On est allés voir 4.48 Psychose de Sarah Kane hier. Avant la pièce, conférence avec Graham Saunders (un gars qui a écrit un essai sur elle) et Mel Kenyon (l'agente de Sarah Kane, selon Ragoût sa maîtresse, une hyptohèse que je conteste pour ma part). D'abord, j'ai été assez charmée par le théâtre Océan Nord, près de la belle place Colignon à Schaerbeek - le genre d'endroit où je viendrais bien simplement boire un verre, dans un de ses fauteuils défoncés, ou manger un bolo belge à la longue table recouverte d'une nappe en plastique; les toilettes, au sous-sol, une sorte d'atelier-garage - m'ont également inspirées, photographiquement parlant, s'entend. Donc, décontraction brollesque bienvenue après semaine laborieuse, éreintante clôturée par une séance de badminton en guise de "team building" (pffffff). La pièce par contre ne suscite pas chez nous le même enthousiasme. La metteure en scène (Isabelle Pousseur) et les comédiennes (Catherine Salée et Véronique Dumont) ont bien travaillé. Pas d'ennui, pas d'envie irrépressible de fuir cette fois, juste de l'indifférence ; le spectacle m'a laissée aussi froide que son décor chirurgical, éclairé au néon. Au terme d'une longue discussion sous pluie battante, Ragoût et moi sommes arrivés à quelques conclusions-hypothèses :
1. Le talent de Sarah Kane est surévalué et reflète davantage la pauvreté du théâtre de l'époque que la valeur intrinsèque de ses textes.
2. Ce qu'on aime dans l'oeuvre de Sarah Kane, c'est Sarah Kane : l'homosexuelle maniaco-dépressive, incomprise, l'enfant terrible du théâtre britannique qui rue dans les brancards, déchaîne les passions morbides des critiques et finit par se tuer, preuve que la violence de ses textes n'était pas la simple expression d'une juvénilité (Kane avait 22 ans lorsqu'elle a écrit sa première pièce: Blasted, Anéantis). L'idéal romantique de l'artiste maudit et torturé séduirait-il encore davantage lorsqu'il s'agit d'une femme? (cf le commentaire de cet admirateur qui, avant de l'avoir lue, avait "l’impression de la connaître"). Moi-même j'aime le personnage de Sarah Kane, cet archétype mais j'ai quelque résistance à y croire.
3. 4.48 Psychose - peut-être pas sa meilleure oeuvre même si ce que je lis de ses autres pièces ne me persuade pas davantage - est un texte, sans didascalies, fragmenté, décousu, qui ne répond peut-être pas aux contingences dramatiques. Comme le dit Charles Isherwood à propos de la pièce jouée par Isabelle Huppert et Gérard Watkins à New York :
In "4:48 Psychosis" Ms. Kane took negation to such a strange extreme that her "play" seems to function, for this critic at least, as a renunciation of theater itself, in the same way that her suicide was an irrevocable renunciation of life. "Just a word on a page and there is the drama," she wrote. But put those words on a stage, and there may be no drama at all.
4. Révolutionnaire, le théâtre de Sarah Kane? Selon Charles Spencer, c'est plutôt un condensé des "bloody Bs" (Büchner, Beckett, Brecht, Barker and Bond). Si l'on considère la violence gore sur scène comme subversive, alors oui, son oeuvre est décapante. A voir.

dimanche 2 mars 2008

"Sur cette terre nous ne pouvons rien comprendre. Seuls les imbéciles et les charlatans comprennent tout"

Je sens que je vais aimer ce recueil de lettres et de critiques de Tchekhov (Tout ce que Tchekhov a voulu dire sur le théâtre) :

"A nouveau les soirées succéderont aux soirées, les actes aux actes, les critiques aux critiques. (...) Vodka, fumoir étouffant, cohue des vestiaires... En sortant du théâtre, il y a aura de la boue, il fera froid, le ciel sera gris, les cochers transis. Va-t'en faire de l'humour et écrire des chroniques badines quand tu n'as que cette perspective et que tu es certain que ce que tu pressens va se réaliser !"

samedi 23 février 2008

Mare

Voici une critique (trop gentille à mon goût) d'un spectacle que je vous déconseille fortement. Jeanne Dandoy, auteure et metteuse en scène de la pièce, malgré ses trente ballets, tient un discours qui ferait frémir les plus conservateurs d'entre nous : les jeunes, nous dit "Game Over" (un titre, je l'admets, peu prometteur), ne songent qu'à consommer, à s'abrutir de télé et de Play Station, à parfaire leur look. Les malheureux utilisent un vocabulaire bien restreint (certains mots - "Yeah", "Ouais", "à mort", "la femme de ma life", "trop content" - apparaissent sur un écran, sans doute à l'attention des spectateurs mal entendants ou peu au fait du langage "jeuns"). Laeti, Oli et Nicolas finissent par massacrer leurs parents, et ici encore on ne nous épargne rien, pas même le bruit de la tronçonneuse. La salle, remplie d'adolescents, était plus prise d'hilarité que d'effroi. Quant à moi, assise à côté de l'auteure - position rendant toute fuite impossible - j'essayais, tant bien que mal, de dissimuler mon énervement. Dandoy fait chanter ses personnages "Génération désenchantée" de Mylène Farmer. Je ne sais pas si notre génération ou la génération actuelle est désenchantée mais un théâtre qui insulte à ce point l'intelligence des spectacteurs, a certes de quoi faire déchanter.

mercredi 13 février 2008

Vous et nous

J'ai trouvé un remède miraculeux contre le stress : Gilles Deleuze (là où a échoué le dernier Tim Burton Sweeny Todd - un beau pétard mouillé, un bel emballage vide).




Comme la France aurait besoin d'un intellectuel de cet acabit en ce moment! Il suffit de lire le Nouvel Observateur pour avoir un échantillon de ce à quoi s'abaisse la presse, presque aussi écoeurante que le clown qui lui sert de cible.

dimanche 10 février 2008

vendredi 8 février 2008

Parabole

J'ai vu cette semaine deux films plutôt ratés mais tout de même intéressants. Mort d'un commis voyageur (Death of a Salesman) de Volker Schlöndorff avec Dustin Hoffman et John Malkovitch dans un rôle tout à fait atypique pour lui. Bon, le film est une adpatation de la pièce d'Arthur Miller. Il s'agit en très bref d'un commis voyageur en fin de carrière et au bout du rouleau. Un sukkelaar comme on dit en bruxellois, frustré par sa propre médiocrité et par son rêve gâché de voir un jour son fils s'élever dans la société américaine. Le film a quelque chose de décalé et de faux. Pourquoi ce décor sensé représenter un intérieur middle-class des années 20 me fait-il furieusement penser à une bonne reconstitution des années 80 ? Dustin Hoffman n'a pas l'air de s'en remettre d'incarner Willy Loman, "un personnage myhtique du théâtre américain, merde, quoi!" - semble-t-il se dire à chaque scène. Aussi pénible que Nicole Kidman en Virginia Woolf, dans The Hours (affublée, par dessus le marché, d'un nez ridicule et inapproprié). Malkovitch est étonnant en fils prodigue. Un enfant adulé par son père qui se révèle, adulte, un raté, cleptomane de surcroît. J'aime beaucoup la scène où il raconte qu'après s'être présenté chez un grand patron, dans l'espoir vain d'être reconnu et embauché, planté dans le bureau du big boss, il vole le stylo de ce dernier et s'enfuit en dévalant les escaliers. Le contraste entre ce geste absurde et l'aspect si terne et conventionnel de la cuisine, de la mère est merveilleux... Cette réalité que le père, qui s'est bercé d'illusions sa vie durant, n'arrive pas à accepter. Comment ne pas penser à Tennessee Williams, à Cat on a Hot Tin Roof. Je vous parlerai de l'autre film à l'occasion ...

jeudi 24 janvier 2008

Un de ces jours

Après mon envolée lyrique de l'autre jour sur le théâtre contemporain, j'ai discuté avec un prof d'histoire du théâtre à l'université de Caen. J'ai appris à cette occasion que la mise en scène était un concept relativement récent. Il m'a aussi recommandé de lire Le Théâtre postdramatique de Hans-Thies Lehmann : "Au lieu de représenter une histoire avec des personnages qui apparaissent et disparaissent en fonction de la psycho-logique de la narration, (l)e théâtre (postdramatique) est fragmentaire et combine des styles disparates". Et cetera.
Par ailleurs, j'ai découvert un site allemand qui vise à constituer une micro-histoire à partir de témoignages de tout un chacun sur tel ou tel événement (comme l'avènement du rap allemand, du baladeur ou des sujets plus graves comme le IIIe Reich). Un site qui, je cite un article du Monde de Lorraine Rossignol, "reflète (bien) un goût typiquement allemand pour l'histoire et la mémoire".
Et pour terminer sur une note plus légère, ce blog régalera les amateurs de musiques africaines.

vendredi 18 janvier 2008

It's a wonderful film



Dernier ravissement cinématographique : It's a wonderful Life de Frank Capra. Jouissif, idéaliste, généreux, tear-jerking comme il faut. Malgré l'aspect apparemment boy-scout du film (qui date de 46), il y a des scènes que j'ai même trouvées sensuelles. En fait, il y en a une : celle où Mary Hatch (Donna Reed) et George Bailey (James Stewart) - qui ne se sont pas encore déclaré leur flamme - , en pleine conversation téléphonique avec un ami new-yorkais, se partagent le combiné. J'ai rarement vu au cinéma une scène qui traduisait aussi bien le désir.
A propos de James Stewart, qui est décidément un de mes acteurs favoris (cf Vertigo, Rear Window, You Can't Take It With You, un autre film prodigieusement original de Capra), Martin Scorcese ne tarit pas d'éloges. Dans Mes plaisirs de cinéphile (Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma), un livre d'entretiens intéressant mais mal relié et truffé de coquilles, Scorcese y dévoile non seulement sa folle érudition (ce qu'on savait déjà depuis son documentaire sur le cinéma américain et italien) mais aussi sa générosité. Ce type a par exemple beaucoup de respect pour les acteurs. Il ne dit jamais de mal de personne. Bref, il considère James Stewart et Robert Mitchum comme "deux des plus grands acteurs de l'histoire du cinéma" :

"Ces deux acteurs a priori si opposés partageaient quelque chose d'essentiel. Le malaise de l'Amérique d'après-guerre fit de Mitchum une star et redessina radicalement l'image de Stewart – qui, lui, était déjà une star. (...) Après la Seconde Guerre Mondiale, une sorte d'obsession s'infiltra dans le travail de Stewart : une solitude, une colère profonde contre l'univers entier. Si le Stewart d'avant-guerre témoignait de quelque chose d'essentiellement américain, le Stewart d'après-guerre touchait à une dimension universelle. Le nouveau tournant dans la carrière de Stewart s'amorça avec It's a Wonderful Life (1946), dans lequel il déploie toute l'énergie dont il pouvait faire preuve pour jouer un homme au bout du rouleau (...). Ce fut dans les huit films qu'il tourna avec Anthony Mann (de Winchester 73, en 1950, à L'Homme de la plaine, en 1955) que Stewart put montrer cette nouvelle profondeur, un mélange de grande compassion, de colère inépuisable et de rage physique extrême" (p.113-115).

vendredi 4 janvier 2008

Schadefreude

Je partage l'enthousiasme de Lucie + pour la trilogie autobiographique de Marguerite Yourcenar. J'aime, entre autres, la manière dont Yourcenar décrit les photos de ses ancêtres : "cette physionomie d'homme encore jeune donne surtout l'impression du contrôle de soi, d'une sensualité et d'une rêverie dominées et de cette prudence qui consiste à se taire ou à ne pas tout dire" ou parlant de son arrière-grand tante : "le délicat visage rond est comme brouillé d'enfance" (Archives du Nord, Editions Gallimard, 50-51) ou encore dans Souvenirs pieux : "un propriétaire honnête homme, mais froid et distant, dénué de cette rondeur qui rend sympathique de cordiales crapules".
Ici une interview d'elle avec Pivot.

Voici aussi le compte-rendu d'un essai que j'ai bien envie de lire : Le théâtre et ses travers de Jean-Pierre Siméon. Il parle de la peur du théâtre contemporain de "tomber dans le pathos", l'absence "d'émotion poétique telle que l'entendait Reverdy" et de la "part heureuse, du "sentiment du oui" dont Julien Gracq, il y a déjà plusieurs décennies, déplorait la perte...".
Je sens que ce bouquin pourrait donner un sens à l'agacement que je ressens souvent au théâtre, devant cette espèce de discours convenu, volontiers bien-pensant dont l'intérêt est souvent d'apaiser les consciences. On s'ennuie au théâtre mais c'est pour la bonne cause ! L'idée, comme le dit Siméon, que le spectateur doit être "intelligent, rusé et savant". Laissez-le donc tranquille, le spectateur ! Comme si Shakespeare s'était attendu à ce que son spectateur soit bête, inculte et ignorant ! Moi, spectatrice, je veux réfléchir mais aussi rêver, trembler, être émue...
Ce postmodernisme ambiant du "tout se vaut" m'écœure d'autant plus que j'en suis moi-même victime. D'ailleurs, je vais voir Les Monologues voilés la semaine prochaine (cf. mon article dans le prochain Agenda), sorte de Monologues du vagin, version femmes musulmanes vivant en Occident. J'espère être étonnée. En fait, c'est ça : j'ai l'impression que les dramaturges contemporains sont souvent séduits par une idée mais manquent d'inventivité quant à la forme (c'est-à-dire le texte, la mise en scène, la scénographie); autrement dit, je suis frappée par le vide de la plupart des pièces que je vois. Pour moi, l'illustration parfaite de ce phénomène, c'est une pièce comme Opéra de Tiago Guedes où deux acteurs - dont la seule particularité est de porter un costume couleur chair en tissu damassé moulant - miment les paroles de Dido & Aeneas, l'opéra d'Henri Purcell dont on nous passe le CD et nous font la grâce de quelques poses inconfortables dont le ridicule est peut-être voulu. Comment en arrive-t-on là ?
Adelheid Roosen, l'auteur des Monologues voilés, a l'air d'une autre trempe. A suivre...

Le titre "Schadefreude" signifie en allemand "la joie que l'on ressent devant le malheur d'autrui". A propos de cette perspicacité et cette concision toutes germaniques, j'allais citer cette phrase d'un auteur que je pensais allemand mais qui s'avère être Talleyrand : "Méfiez-vous de votre premier mouvement, il est toujours généreux" - un adage qui m'a servi dans bien des situations...