On est allés voir 4.48 Psychose de Sarah Kane hier. Avant la pièce, conférence avec Graham Saunders (un gars qui a écrit un essai sur elle) et Mel Kenyon (l'agente de Sarah Kane, selon Ragoût sa maîtresse, une hyptohèse que je conteste pour ma part). D'abord, j'ai été assez charmée par le théâtre Océan Nord, près de la belle place Colignon à Schaerbeek - le genre d'endroit où je viendrais bien simplement boire un verre, dans un de ses fauteuils défoncés, ou manger un bolo belge à la longue table recouverte d'une nappe en plastique; les toilettes, au sous-sol, une sorte d'atelier-garage - m'ont également inspirées, photographiquement parlant, s'entend. Donc, décontraction brollesque bienvenue après semaine laborieuse, éreintante clôturée par une séance de badminton en guise de "team building" (pffffff). La pièce par contre ne suscite pas chez nous le même enthousiasme. La metteure en scène (Isabelle Pousseur) et les comédiennes (Catherine Salée et Véronique Dumont) ont bien travaillé. Pas d'ennui, pas d'envie irrépressible de fuir cette fois, juste de l'indifférence ; le spectacle m'a laissée aussi froide que son décor chirurgical, éclairé au néon. Au terme d'une longue discussion sous pluie battante, Ragoût et moi sommes arrivés à quelques conclusions-hypothèses :
1. Le talent de Sarah Kane est surévalué et reflète davantage la pauvreté du théâtre de l'époque que la valeur intrinsèque de ses textes.
2. Ce qu'on aime dans l'oeuvre de Sarah Kane, c'est Sarah Kane : l'homosexuelle maniaco-dépressive, incomprise, l'enfant terrible du théâtre britannique qui rue dans les brancards, déchaîne les passions morbides des critiques et finit par se tuer, preuve que la violence de ses textes n'était pas la simple expression d'une juvénilité (Kane avait 22 ans lorsqu'elle a écrit sa première pièce: Blasted, Anéantis). L'idéal romantique de l'artiste maudit et torturé séduirait-il encore davantage lorsqu'il s'agit d'une femme? (cf le commentaire de cet admirateur qui, avant de l'avoir lue, avait "l’impression de la connaître"). Moi-même j'aime le personnage de Sarah Kane, cet archétype mais j'ai quelque résistance à y croire.
3. 4.48 Psychose - peut-être pas sa meilleure oeuvre même si ce que je lis de ses autres pièces ne me persuade pas davantage - est un texte, sans didascalies, fragmenté, décousu, qui ne répond peut-être pas aux contingences dramatiques. Comme le dit Charles Isherwood à propos de la pièce jouée par Isabelle Huppert et Gérard Watkins à New York :
In "4:48 Psychosis" Ms. Kane took negation to such a strange extreme that her "play" seems to function, for this critic at least, as a renunciation of theater itself, in the same way that her suicide was an irrevocable renunciation of life. "Just a word on a page and there is the drama," she wrote. But put those words on a stage, and there may be no drama at all.
4. Révolutionnaire, le théâtre de Sarah Kane? Selon Charles Spencer, c'est plutôt un condensé des "bloody Bs" (Büchner, Beckett, Brecht, Barker and Bond). Si l'on considère la violence gore sur scène comme subversive, alors oui, son oeuvre est décapante. A voir.
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